Ce qui anime l’actualité, c’est bien évidemment la tournée nationale du président Patrice Talon dans certaines communes du Bénin, à environ cinq mois de l’élection présidentielle de 2011. Contrairement à ce que pensaient nombre de Béninois, c’est un Patrice Talon requinqué, porteur de message de paix, de pardon et qui demande repentance, qui se fait découvrir. A quelques quelques mois de la fin de son mandat, le président béninois, probable candidat à sa propre succession en 2021, joue la course contre la montre pour se racheter de ses erreurs, afin de tenir son pari d’être porté en triomphe.
Pendant plus de quatre ans, il a été vu et traité comme un président fermé, un dirigeant qui dirige le pouvoir d’une main de fer et sans partage depuis son palais rénové. Mais la tournée nationale entreprise sur toute l’étendue du territoire national a révélé un autre visage du président Patrice Talon. Homme d’écoute, ouvert et disponible à un dialogue franc, un personnage politique qui refuse de garder rancune, qui place le dialogue au-dessus de tout. Un changement subit qui incite à la méditation.
Déjà lors de la première journée de sa tournée nationale, on découvre un chef d’État béninois qui sait écouter. Un Patrice Talon loin des préjugés et critiques qu’on lui colle depuis le début de son mandat en avril 2016.
A analyser de près, on est tenté de dire que le chef de l’Etat a renoncé à ses principes de base en sortant de l’étau de son Palais présidentiel pour se lancer dans du populisme. Pourquoi une telle décision et cette urgence d’aller au contact des populations ? Y a-t-il un enjeu qui sous-tend cette initiative surprise et inattendue ? On a envie de répondre par l’affirmative, quand on tient compte des discours antérieurs et certains faits et gestes qui ne relèvent pas de la nature du personnage. Pourquoi cette volonté subite du président de la République d’agir pour la décrispation de la crise sociopolitique qui secoue le pays depuis le début de son mandat et pas hier ? Son appel au pardon et à la réconciliation à Savè. Sa volonté de se réconcilier avec son prédécesseur Boni Yayi, son éternel ‘’ ennemi ‘’, son attention subite à l’opposition dont il dit qu’elle sera de la présidentielle de 2021, sont autant de professions de foi et d’aveux qui suscitent grands débats au sein de l’opinion publique.
Le locataire de la Marina veut-il s’offrir en enfin l’occasion de se faire porter en triomphe par les populations, comme il l’a dit au début de son mandat ? En tout cas, cette tournée démarrée depuis le jeudi 12 novembre dans la partie septentrionale du pays par le premier Magistrat du Bénin, a été marquée par des discours d’apaisement pour la décrispation de la crise sociopolitique qui secoue le pays depuis les législatives d’Avril 2019. Il faut également noter l’assurance donnée à propos du récépissé du Parti Les Démocrates qui seront aussi de la présidentielle de 2021. Bref, c’est un Patrice Talon subitement démocrate que les béninois sont en train de découvrir depuis le jeudi 12 novembre dernier. Lui qui a toujours joué au dur en muselant l’opposition qui jusque-là, a eu du mal à s’exprimer.
Qu’est ce qui explique cette métamorphose du président béninois?
La présidentielle de 2021 qui s’annonce exclusive avec le blocus du parrainage, fait présager tous les risques d’instabilité sur le pays, surtout avec une opposition très revancharde qui, exigeant un scrutin ouvert à tous, ne compte pas se laisser faire comme lors des législatives de 2019. Conscient de la situation, le président Patrice Talon, probablement candidat à sa propre succession, qui par anticipation, joue la carte de l’apaisement pour une présidentielle sans heurts. En tant que bon visionnaire, le chef de l’Etat a sans doute compris qu’il ne gagnerait rien à engager le pays dans la spirale de violences observées lors des élections législatives. Il veut être le premier acteur de la stabilité politique et la cohésion sociale dans le pays.
Pour une fois depuis cinq ans, il entend engager une vraie compétition et ouvrir véritablement le jeu démocratique. Il ne veut pas que son premier quinquennat prenne fin sur ces sentiments de frustration, de mécontentement généralisé, conséquence du malaise démocratique dans le pays. En bon dirigeant, il entame cette tournée, non pas pour dresser un bilan élogieux à son actif comme il a été annoncé , mais plutôt remettre les compteurs à zéro et se racheter afin de se refaire une nouvelle image qui sera digne d’un homme à porter en triomphe.
Une fin de mandat, comme à la conquête du pouvoir en 2016?
Le jeudi dernier à Savè et lors du reste de sa tournée, Patrice Talon avait un sourire bon enfant, un air réconciliant, rassembleur avec un regard pas défiant avec beaucoup de promesses mielleuses. C’est l’homme de la conquête du pouvoir en 2016 qu’on redécouvre.
Ce Talon qui révère toutes les sensibilités, les Béninois n’en ont pas eu droit 4 ans 6 mois passés. Le temps de l’intérioriser, d’assumer et de s’habituer à cette orchestration comportementale nouvelle, le chef de l’État demande pardon à Tchaourou. « Moi j’ai pardonné. La République a pardonné. C’est à vous à présent de pardonner » martèle-t-il. Et ce discours, même les plus prévoyants de ses communicants n’auraient pu le voir venir. Les faucons de la communication présidentielle qui narguent et qui insultent sur les réseaux sociaux vont certainement intégrer désormais ce nouveau discours réconciliant du président de la République.
Parler Talon aujourd’hui et à cette approche de cette année électorale pour laquelle rien n’est encore décidé ne s’accommode plus aux discours et tons martiaux. Le président s’est dit surpris des 5 ans qui sont partis en flèche. Il est dorénavant un homme aussi mû par des failles, des possibilités de se tromper, et donc de reconnaitre que Tchaourou a des raisons d’être en colère. C’est là une suffisante raison d’interroger sa communication. »La clébéture », cette caste de génies spéciaux, qui de Whatsapp à Facebook, Radios Télés, sait tout et condamne ceux qui pensent différemment. Des penseurs à rebours qui traitent d’enfants endiablés, les gens d’opinion divergente. Du haut de leurs estrades, eux aussi doivent avoir eu du mal à suivre ce Patrice Talon qui revient sur toutes ses erreurs de gouvernance politique.
Tout le long du mandat, la trompette présidentielle a eu ce ton-là. Et pour mieux le faire entendre, le chef de l’État lui-même est sorti quelques fois balayer du revers de la main les critiques. Il sait tout, il est de bonne foi, quand ça cloche, c’est les autres. Quand il y a eu du grabuge pendant la saison des réformes controversées, Patrice Talon, chef de l’État, Père de la nation, n’en était pour rien. La faute, le tort est revenu à l’opposition. Aujourd’hui, le discours a changé de ton. Il n’accuse plus ni n’incrimine.
Magloire Fiogbé