Par Florent Couao-Zotti
D’un côté, il y a ceux qui menacent de transformer en brasier l’étroite superficie des cent-vingt-deux-mille six-cents kilomètres carrés de notre pays. De l’autre, les faucons du camp d’en face qui s’enferment dans des lois incohérentes et idiotes à seule fin d’écarter les adversaires politiques. Renvoyés par Patrice Talon à l’Assemblée Nationale pour trouver un consensus sur la loi électorale, les députés de chaque bloc font de la surenchère leurs arguments principaux. Ils s’invectivent, s’arrachent les cheveux, chacun voulant montrer que l’avis de l’autre compte pour du beurre de karité ou s’efforçant de faire comprendre qu’il a une capacité de nuisance inégalable. Chaque camp affirme, par sa rhétorique incendiaire, qu’il dispose de la force institutionnelle ou qu’il a la force du peuple avec lui.
Les juristes, qui aiment, dans ces genres de situation, prendre la parole, publient tribunes et articles, pour nous donner leurs points de vue, nous plonger dans l’univers des lois, dans un vocabulaire que seuls leurs égos savent déployer à seule fin de montrer leur maitrise du domaine. Or, la seule chose qu’ils ont réussi à faire, c’est de nous servir leur suffisance d’intellectuels rassasiés ou de se rendre, par leurs tours de syntaxe, réellement illisibles. Ainsi donc de la dernière livraison de la sémillante Dandi Gnanou pour qui j’avais de l’admiration.
Dans un pays marqué, depuis trente ans, par une tradition de consensus où les hommes politiques ont l’habitude, malgré les joutes oratoires et les bagarres de chiffonniers auxquels ils se livrent parfois, de s’entendre sur l’essentiel, la situation actuelle laisse sans voix. On peut louer les vertus des réformes qu’a entreprises, depuis 2016, le président de la République, mais si les réformes créent des problèmes plutôt qu’elles n’en résolvent, provoquent des crises là où il y en avait pas, mettent en lambeaux le consensus si cher à notre pays, le bon sens lui recommanderait l’humilité pour revoir certains de ces projets. C’est, je crois, ce qui l’a poussé à demander une relecture de la loi pour rééquilibrer les choses, parvenir à offrir à toutes les parties l’occasion de participer aux législatives prochaines. Mais il s’en trouvera toujours quelques lapins crétins qui voudraient plaire au chef en lui disant de ne pas céder. Il se trouvera dans le camp d’en face quelques zozos qui s’acharneront à monter les enchères. La mauvaise foi étant de chaque côté, le risque que les va-t-en-guerre imposent leurs lois finira par arriver. C’est ce qui explique le blocage actuel. À moins que le chef, marionnettiste de renom, ait donné consignes à ses lieutenants de jouer au jeu auquel ils se livrent actuellement en refusant les concessions demandées par l’opposition.
Au Bénin, il y a peu, des personnalités consensuelles pouvaient prendre sur elles la responsabilité de faire la médiation, de rapprocher les points de vue brandis comme irréconciliables et trouver les mots et la méthode pour parvenir à des accords. Mais aujourd’hui, les sages du genre manquent à l’appel. Et ce n’est pas les missions des organisations sous régionales et internationales qui débarquent pour s’informer de la situation et risquer leurs talents de casques bleus qui parviendront à résoudre l’équation. D’ailleurs, de voir ces institutions jouer les bons offices dans un pays naguère décrété par l’union européenne comme « pays stable et sans risque », reste préoccupant. C’est ici que l’on regrettera les disparitions de Monseigneur de Souza, du Cardinal Gantin et de l’écrivain Jean Pliya. On aurait aimé voir Albert Tevoèdjrè, Élisabeth Pognon ou même Pascal Chabi Kao, jouer ces rôles. Mais leurs grands âges ne leur permettent plus une telle exposition et une telle activité. À moins de s’en référer au génie béninois. Mais celui-ci est, aujourd’hui, atrocement en panne.