DECISION DCC 18-268 du 13 décembre 2018
La cour constitutionnelle saisie d’une requête en date à Allada du 19 juillet 2018 par laquelle, Messieurs Togoun Marcel OMIANLE et Péguy Jules OMIANLE, héritiers de Faustin Odjo TOGOUN, forment un recours contre une procédure de jugement dans un délai anormalement long.
Considérant que les requérants se plaignent de ce que Messieurs Joseph KPOTY et Tadde ODOGBEMI, profitant de l’aliénation mentale dont souffrait leur père, se sont appropriés de sa parcelle de terrain sise au quartier Vodjè à Cotonou, sous prétexte qu’elle leur a été cédée à titre onéreux. Qu’ils affirment avoir initié plusieurs procédures pour ramener ladite parcelle dans le patrimoine de leur géniteur. Que leur cause a été favorablement reçue, tant devant les instances administratives que judiciaires, notamment la commission nationale des affaires domaniales du Ministère de l’intérieur et le Tribunal de première Instance de première classe de Cotonou. Qu’ils soutiennent avoir régulièrement rapporté la preuve de leurs prétentions contrairement à la partie adverse et que cependant, une fois à la Cour d’Appel, le dossier est régulièrement renvoyé depuis 2002 jusqu’à présent. Qu’ils espèrent voir ledit dossier appelé utilement à l’audience pour qu’enfin justice soit rendue. Qu’en appui à leurs prétentions, ils ont joint plusieurs pièces corroborant lesdites allégations.
Considérant que le Président de la Cour d’Appel de Cotonou, invité à se présenter ou à se faire représenter aux audiences de mise en état des 06 et 20 septembre 2018, pour tenir à la Cour, copie de ses observations, n’a pas cru devoir répondre.
Considérant qu’aux termes de l’article 7.1. d) de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples : ( Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend: le droit à être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale). Qu’Il s’ensuit que le prononcé d’un jugement par une juridiction saisie, ne doit pas intervenir dans un délai anormalement long.
Qu’en l’espèce, la procédure querellée, qui a été appelée pour la première fois le 03 mai 2002 est encore pendante devant la Cour d’appel de Cotonou, alors il s’est écoulé déjà plus de seize (16) ans de délai de procédures sans que la Cour d’Appel de Cotonou ne rende sa décision et sans pour autant en expliquer les raisons à la Cour constitutionnelle. Qu’il y a lieu de dire que ce délai d’attente du jugement est anormalement long et viole la disposition visée.
Considérant que cette violation du droit à être jugé dans un délai raisonnable crée en espèce des préjudices aux dépens des requérants ouvre à leur profit le droit aux dédommagements. Qu’en outre, les différentes autorités en charge de ce dossier ont méconnu l’article 35 de la constitution et s’exposent par leurs faits à supporter l’indemnisation susceptible d’être accordée aux titulaires de ce droit.
Considérant que le fait pour le président d’une juridiction ou le responsable d’une administration publique de s’abstenir de répondre aux mesures d’instruction de la Haute juridiction alors qu’il y a formellement été invité constitue une violation de l’article 35 de la constitution. Qu’en l’espèce, le Président de la Cour d’Appel de Cotonou s’est abstenu de répondre aux mesures d’instruction à lui adressées et n’a pas produit ses observations. Que ce faisant, il a violé la disposition visée.
La Cour décide :
1- Il y a violation du droit à être jugé dans un délai raisonnable
2- La violation du droit à être jugé dans un délai raisonnable ouvre en l’espèce le droit au dédommagement
3- Il y a violation de l’article 35 de la constitution par les autorités successives ayant eu la charge du dossier à la Cour d’Appel de Cotonou
4- La violation de l’article 35 de la constitution par les autorités judiciaires ayant eu la charge de ce dossier expose celle-ci à supporter toutes les indemnisations consécutives à ce manquement
5- Le président de la Cour d’Appel de Cotonou a méconnu l’article 35 de la constitution.
Avec H H de DRAVO AP/Pdt C C