Au sujet de la crise électorale qui prévaut dans le pays, elle est finalement sortie de ses gonds. Célestine Zannou, présidente de la Dynamique du Changement pour un Bénin Debout (DCBD) puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a animé une conférence de presse ce mercredi 10 avril à Abomey-Calavi et a dénoncé l’exclusion de l’opposition des prochaines élections législatives. Dénonçant la démolition des acquis démocratiques par le pouvoir et mesurant le danger qui plane sur le pays si jamais ces législatives arrivaient à être organisées sans l’opposition, Célestine Zannou en appelle à la sagesse du Chef de l’État qui selon elle, doit agir pour ramener la balle à terre en sauver le modèle de la démocratie béninoise.
« je fais observer que l’heure n’est ni aux récriminations ni aux condamnations encore moins à l’arrogance futile d’un vainqueur ou au ressentiment d’un vaincu humilié.
L’heure est à la prise de conscience patriotique pour sauver le Pays. L’heure est à l’humilité. Je nous invite à réunir à tous prix les conditions d’une élection inclusive au lieu de foncer tête baissée vers une élection pseudo légale et exclusive. Pour cela, je voudrais humblement m’adresser au Président de la République pour lui demander de faire usage des prérogatives qui sont les siennes pour ramener le calme et sauver le modèle de la démocratie béninoise. Il le peut ! Et l’histoire le lui revaudra un jour », a souligné la présidente de la DCBD qui propose entre autres solutions pour une sortie de crise, le retour aux anciennes lois électorales en remplacement des nouvelles votées et sources de tensions.
B.N
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CONFERENCE DE PRESSE DE LA PRESIDENTE CELESTINE ZANOU : ELECTIONS LEGISLATIVES DU 28 AVRIL 2019
Abomey- Calavi le 10 avril 2019
RESPECTER LE PEUPLE ET SAUVER NOTRE MODÈLE DÉMOCRATIQUE
J’ai coutume de dire que la démocratie est une culture et l’alternance son expression. Mais j’ai aussi affirmé et soutenu, tant sur le plan national qu’international que l’organisation des élections n’est pas toujours le signe d’une bonne santé démocratique.
Aujourd’hui, au Bénin, l’ambiance pré-électorale nous interpelle en tant que Mère et Femme politique.
En effet, c’est la première fois que la communauté internationale est si préoccupée par l’organisation d’une élection au Bénin.
C’est un signe avant-coureur qui n’augure pas d’un lendemain meilleur.
C’est la preuve qu’il y a un malaise grave de portée qui dépasse la normalité et qui devrait nous interpeler tous.
A partir de ce moment, ce serait se cacher derrière son petit doigt que de déclarer et de soutenir que les élections du 28 avril prochain augurent d’une bonne santé de notre démocratie et ne mettent pas en perspective un désastre incommensurable pour notre pays.
Par conséquent, c’est dire faux que de soutenir encore que la réforme du système partisan actuel n’a pas accouché dans son application d’une impasse institutionnelle et constitutionnelle. Et mieux, c’est également dire faux que de clamer haut et fort que l’application des lois issues de la réforme en cours n’est pas crisogène.
Cela étant, il importe que le Président de la République aille jusqu’au bout de son initiative du 6 mars 2019 où, en toute responsabilité, il fit constater à la classe politique, au peuple béninois et à la communauté internationale, que la réforme est inapplicable en l’état et qu’il faille la corriger sans violer la constitution de notre pays.
Il doit aller jusqu’au bout, non pas parce qu’il le veuille tout simplement mais parce que les dispositions de notre constitution en ses articles 41, 53 et 59 lui en donnent la compétence et les prérogatives mais aussi l’engagent moralement et politiquement à sauver la patrie en danger.
Dans cette logique, rouvrir le débat à l’assemblée devient une possibilité et ce n’est qu’en cas de nouvel échec que le Président prendra ses responsabilités au regard des articles 41, 53 et 59 de la constitution.
Article 41 : « Le président de la République est le Chef de l’Etat. Il est l’élu de la Nation et incarne l’unité nationale. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale et du respect de la Constitution, des traités et accords internationaux»
Article 53 : « Avant son entrée en fonction, le président de la République prête le serment suivant : Devant Dieu, les Mânes des Ancêtres, la Nation et devant le Peuple béninois, seul détenteur de la souveraineté ; Nous … président de la République, élu conformément aux lois de la République jurons solennellement :
- de respecter et de défendre la Constitution que le Peuple béninois s’est librement donnée ;
- de remplir loyalement les hautes fonctions que le Peuple béninois nous a confiées ;
- de ne nous laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine, de consacrer toutes nos forces à la recherche et à la promotion du bien commun,
- de la paix et de l’unité nationale ;
- de préserver l’intégrité du territoire national ;
- de nous conduire partout en fidèle et loyal serviteur du peuple. En cas de parjure, que nous subissions les rigueurs de la loi».
Article 59 : « le président de la République assure l’exécution des lois et garantit celle des décisions de justice»
Ce n’est donc pas spéculer pour faire de la dramaturgie en reconnaissant humblement que cette réforme du système partisan nous a conduit dans la tenue d’une élection, qui, si nous ne prenons garde, nous entrainera dans le tréfonds du déchirement de notre vivre ensemble.
Le vide qui se profile est plus grave que le retour aux anciens textes avec une mise entre parenthèses de la réforme système partisan et du code électoral ainsi que des actes subséquents notamment les congrès de dissolution des partis politiques ayant constitué les blocs.
Que va-t-il se passer si on n’organise pas les élections ?
Où se trouve actuellement la pluralité consacrée par la constitution dans son préambule et son article 1 ?
Où se trouve l’article 36 de notre constitution qui interdit la pose d’actes discriminatoires ?
Où se trouve le respect de nos engagements régionaux et internationaux ?
Après ces questions qui nous interpellent tous, ma démarche est d’abord celle d’une Mère avant d’être celle d’une Femme Politique qui voit venir le danger partagé par tout le monde.
Je ne saurais donc rester insensible et indifférente : ce serait criminel de ma part.
De ce point de vue, je fais observer que l’heure n’est ni aux récriminations ni aux condamnations encore moins à l’arrogance futile d’un vainqueur ou au ressentiment d’un vaincu humilié.
L’heure est à la prise de conscience patriotique pour sauver le Pays. L’heure est à l’humilité.
Je nous invite à réunir à tous prix les conditions d’une élection inclusive au lieu de foncer tête baissée vers une élection pseudo légale et exclusive.
Pour cela, je voudrais humblement m’adresser au Président de la République pour lui demander de faire usage des prérogatives qui sont les siennes pour ramener le calme et sauver le modèle de la démocratie béninoise.
Il le peut ! Et l’histoire le lui revaudra un jour.
La sagesse populaire de chez nous nous enseigne, Monsieur le Président : « Lorsqu’on ne sait pas où on va, on sait au moins d’où on vient ». Et la technique juridique aujourd’hui oblige à mettre en œuvre cet adage.
Quel est le problème aujourd’hui ?
C’est l’engagement de notre pays de ne pas réviser les textes électoraux dans les six mois qui précèdent les élections, sauf consensus.
Et le consensus dont il est question ici est loin d’être le consensus parlementaire. Il est celui de tous les acteurs politiques, politiques ici ne signifiant pas politiciens ni partisans mais de tous ceux qui s’occupent de la cité.
Il me plait à ce niveau de faire un commentaire :
Le code électoral entré en vigueur le 9 octobre 2018 n’a totalisé les 6 mois d’existence qu’hier 9 avril 2019. Donc au 26 février 2019 date de clôture du dépôt des dossiers à la CENA où ce code est appliqué aux partis politiques, il ne totalisait pas les 6 mois requis par le protocole de la CEDEAO.
La charte des partis politiques entrée en vigueur le 17 septembre 2018 n’a totalisé les 6 mois d’existence que le 17 mars 2019. Donc à la date du 26 février 2019, date limite de déclaration des candidatures à la CENA, elle ne totalisait pas encore les 6 mois. Donc ne pouvait être opposée aux partis politiques.
Dois-je rappeler les conditions d’adoption de ces lois qui furent loin du consensus ?
Les mettre entre parenthèses aujourd’hui, au nom de la paix et de la recherche du consensus politique est bien possible.
Alors, c’est faux de vous faire croire, Monsieur le Président, que le consensus est seulement celui du parlement.
C’est également faux de vous faire croire que réunir les forces vives de la nation pour lever le goulot de notre engagement, serait convoqué une conférence nationale bis.
C’est faux et archi faux !
Monsieur le Président de la République, les acteurs du passé dont nous connaissons tous la pratique et les conseils prodigués auparavant ne sont pas les plus indiqués pour vous entourer et vous prendre en otage. Nos yeux sont grands ouverts et nos oreilles sont loin de souffrir d’amnésie.
Monsieur le Président de la République, comme vous l’aviez fait le 6 mars dernier, il suffit d’élargir la rencontre aux forces vives de la nation avec un seul ordre du jour : obtenir le consensus pour permettre à tous d’aller à une élection discutée par tous en offrant aux citoyens la liberté du choix de leurs représentants.
C’est bien cela la démocratie ! Et dans ce schéma, chacun trouvera son compte.
Les blocs resteront blocs sous le vocable alliances de partis et c’est d’ailleurs ce qu’ils sont réellement puisqu’ils ne sont fondés sur aucun ciment idéologique (je rappelle ici la mise entre parenthèse des actes subséquents notamment les congrès de dissolution des partis politiques ayant constitué les blocs);
Les autres partis qui sont prêts et qui ne remplissent pas individuellement les conditions pourront se mettre en alliance pour aller à ces élections.
Les partis qui sont prêts et qui remplissent individuellement les conditions pourront y aller.
Les contrevérités distillées çà et là notamment par les sachants de tous bords et les politiciens zélés de tous bords ne font qu’aggraver la situation car, si des partis politiques réclament leur participation aux élections, c’est qu’ils sont prêts. L’heure n’est donc pas au démarrage d’une campagne électorale aux allures de provocation et porteuse d’instabilité.
L’heure est à la préparation des dossiers dans tous les camps et dans un très bref délai ;
L’heure est au resserrement du calendrier électoral par la CENA pour l’organisation d’élections législatives libres, et inclusives ;
L’heure est à la recherche de la PAIX pour sauver le peuple béninois et sa démocratie.
CELESTINE ZANOU
PRESIDENTE DE LA DCBD