« La solution ne se trouve donc pas dans le replâtrage hâtif des lois liberticides votées… »
Déclaration du Président Nicéphore D. SOGLO sur la réforme du système partisan et du code électorale à l’occasion des élections législatives du 28 avril 2019
Cotonou, le 07 mars 2019
Béninoises béninois,
Chers compatriotes,
Tout le monde au Bénin connait la profession de foi de Patrice TALON :
« Ce qui permet à un président en exercice d’être réélu, c’est sa capacité à soumettre, à avoir à sa solde tout le monde : députés, maires, élus locaux, commerçants, partis politiques. Et il conclut : c’est la manière dont personne n’est capable de lui tenir tête, d’être compétiteur contre lui. Si vous n’avez pas de compétiteur, vous avez beau être mauvais vous serez réélu » fin de citation.
Quand on entend pour la première fois ces propos, on croit rêver. Quel cynisme, quel sadisme ! Il y a, pense-t-on alors des atavismes qui ont la vie dure, quand on sait qu’on est en présence d’un descendant du directeur du fort négrier français Saint-Louis de Grégoy à Ouidah.
Seul, à notre connaissance, au 20ème siècle, le dictateur allemand Adolph HITLER, dans un livre horrible, tristement célèbre, écrit en 1924 en vue de l’établissement d’un ‘’état racial’’ avait osé prévenir ainsi ses futures victimes.
Sa doctrine, ouvertement et cyniquement exposée dans un livre ‘’Mein Kampf’’ (Mon Combat) partageait les peuples en Aryens civilisateurs et dominateurs et en peuple de catégorie inférieure : Slaves de race inférieure, réservoir de main d’œuvre agricole et industrielle et Juifs ou Sémites, sous-hommes malfaisants et destructeurs qu’il fallait éliminer
Ce discours délirant et criminel a conduit à la seconde guerre mondiale au cours de laquelle d’innombrables crimes ont été perpétrés contre des populations désarmées, des femmes et des enfants. Et c’est lui aussi qui a alimenté les fournaises d’Auschwitz et les chambres à gaz de Maï Danek.
Au Bénin, berceau des conférences nationales souveraines, la ligne de partage est, pour le moment l’argent. Et pour Tous les fossoyeurs patentés de notre économie nationale (les preuves sont disponibles), un parti doit disposer d’au moins 249.000.000 FCFA soit 380.000 Euros, pour participer à une élection législative. Les pauvres, ces sous-hommes qui croulent déjà sous la kyrielle d’impôts de celui qu’on appelle TALON TAKOUE, (TALON l’impôt, TALON la gabelle) et qui doivent pour être candidat, se mettre en règle avec le fisc pour obtenir un quitus fiscal. ‘’Ces Salauds de pauvres’’ comme disait l’acteur français Jean GABIN dans le film La Traversée de Paris, n’ont après tout que ce qu’ils méritent.
Taillables et corvéables à merci, ils sont privés du droit de grève (TALON l’a claironné à Berlin), du droit de manifestations et de la liberté de presse et de communication.
Ces gibiers de potence vont en prison pour un ‘’oui’’ ou pour un ‘’non’’ et sont la chair à pâté pour des tribunaux d’exception comme la CRIET. Des mandats d’arrêt fantaisistes ont depuis longtemps jeté sur les routes de l’exil, un grand nombre d’opposants au régime. Sans oublier les commerçants, fuyant les gigantesques redressements fiscaux. La gestapo, c’est-à-dire la police locale débarque au domicile des citoyens s’ils tiennent des propos séditieux sur les réseaux sociaux. Et les franchises universitaires sont foulées au pied. Il nous faudrait des heures pour passer en revue toutes les lois liberticides. L’air de notre pays est devenu totalement irrespirable.
On comprend dès lors, pourquoi ce régime est vomi par notre peuple. Et tous les jours la liste des opposants s’allonge. Les ingrédients d’un affrontement sanglant se mettent ainsi progressivement et méthodiquement en place comme le montre déjà les innocentes victimes et les premiers martyres de la démocratie à Kilibo et ailleurs.
Or dans le quadrilatère Nigéria (200 millions d’habitants), Bénin (11 millions d’habitants), Togo (10 millions d’habitants) et le Ghana (30 millions d’habitants) ; soit 250 millions d’habitants, qui est le cœur de la CEDEAO, chaque pays doit travailler à la Renaissance de l’Afrique au Sud du Sahara dans la paix, l’union et la solidarité.
Nos peuples ont été victimes comme tous les pays en Afrique au Sud du Sahara de la plus longue et la plus vaste déportation de l’histoire qui a vidé notre continent de de 100 millions d’habitants entre 1450 et 1850. Et cela continue. Heureusement, grâce à Dieu qui est justice, le cercle de famille s’agrandit avec l’arrivée de d’un milliard cinq cent millions d’habitants. Il nous faut donc de toute urgence, car gouverner c’est prévoir :
• Une monnaie commune régionale pour mettre un terme à notre servitude monétaire,
• Une armée fédérale pour ramener la paix dans nos foyers,
• Une marine fédérale pour protéger nos pêcheurs du pillage de nos ressources halieutiques,
• Mettre fin au pacte colonial pour transformer sur place nos richesses et donner du travail aux fils et aux filles du berceau de l’humanité,
• Que le 23 août de chaque année soit proclamée journée internationale de la traite négrière et de son abolition pour sortir enfin du piège de la politique ‘’diviser pour régner’’ qui a conduit à l’extermination des Indiens d’Amérique du Nord,
• Nous voulons saisir l’occasion de cette journée commémorative pour faire enfin une relecture honnête, scientifique, positive de notre tragique et douloureux passé, jalonné par la traite négrière et suivi de la balkanisation du continent noir consacré en 1885 au Congrès de Berlin.
Entre temps, il s’est trouvé hélas, au Bénin, comme au jadis en Allemagne, une majorité docile comme l’a montré Eric VUILLARD dans son roman ‘’L’Ordre du Jour’’, prix Goncourt 2017, pour voter des lois liberticides qui se retournent aujourd’hui contre certains d’entre eux.
C’est pourquoi je suis d’accord avec l’opposition lorsqu’elle proclame solennellement qu’il n’y aura pas d’élection crédible et pacifique au Bénin qu’à condition que tous les citoyens riches ou pauvres y participent librement. Et qu’elle s’y opposera par tous les moyens.
La solution ne se trouve donc pas dans le replâtrage hâtif des lois liberticides votées par un parlement croupion qui s’est totalement discrédité. La réforme du système partisan et du code électoral doit être gelée et discutée après les élections dans un climat apaisé et consensuel après ces élections.
Il nous faut pour cela, retrouver au plus vite les vertus qui ont fait le succès de la conférence nationale. Car nous sommes les disciples de Gandhi, de Martin Luther KING et de Nelson MANDELA. Et dans son célèbre recueil de sermons La Force d’Aimer, le pasteur Martin Luther KING nous invitait à méditer ces paroles de Jésus : ‘’Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font’’. Car il savait que la vieille philosophie de l’œil pour œil laisserait chacun aveugle. Il ne chercha pas à vaincre le mal par le mal. Il vainquit le mal par le bien. Crucifié par la haine il répondit par l’amour. Il nous faut renouer avec le pardon et avoir plus de compassion pour les pauvres et les déshérités. Car, comme le disait Aimé CESAIRE, ‘’on juge un homme à son attitude devant la souffrance humaine’’.
Pour l’heure, il nous faut revenir sans tarder aux lois démocratiques issues de la Conférence des Forces vives de la nation de février 1990 qui ont fait leur preuve.
Ce sont elles qui ont permis l’élection pacifique de Patrice TALON ‘’le chef du gouvernement de la Rupture’’. Il avait été alors sportivement félicité par son adversaire du second tour : Lionel ZINSOU. C’est cela, avoir de la classe.
Evitons donc les conflits d’intérêts, l’exercice solitaire du pouvoir et l’opacité dans la gestion en publiant, s’il le faut, comme je l’ai fait en 1992, dans le quotidien La Nation, les salaires des membres de mon gouvernement y compris le mien. Il faut certes être sans pitié envers tous les fossoyeurs de l’économie nationale et lutter sans relâche contre la corruption qui est l’arme secrète, essentielle pour gagner la guerre économique que se livrent les grands pays industrialisés en vue de conquérir les marchés de la pauvreté. Son rôle est capital dans le commerce international.
Mais n’utilisons pas cette arme de façon sélective comme le font hélas, trop de tyrans. MOBUTU, l’un des plus grands voleurs dans les annales du crime selon l’universitaire américain Guy GRAN ne déclarait-il pas « si vous désirez voler, volez un peu et intelligemment, d’une jolie manière. Si vous voler tant que vous deveniez riche en une seule nuit, on vous attrapera ».
Tous ces déballages (et les munitions ne manquent pas) sont désagréables. Il serait souhaitable qu’ils ne polluent pas notre campagne électorale.
Je vous remercie.
Le Président Nicéphore Dieudonné SOGLO.
Ancien Président de la République
Ancien Maire de la ville de Cotonou
Vice-Président du Forum des Anciens Chefs d’Etats et de Gouvernements d’Afrique,
Créé en 2006 à Maputo sous le haut patronage de Nelson MANDELA