« Tout ce qui me fait mal, c’est qu’on me juge sans me connaitre »
Pour le léger et petit sourire en coin, vous risquez de repasser. Parce que d’entrée, elle s’annonce indifférente et austère jusqu’au sinistre. Et surtout comme lasse d’être là. Affalée dans le fauteuil, elle attend les questions. Mais cinq minutes après, elle se redresse et ajuste sa longue robe décolletée qui laisse entrevoir sa poitrine pulpeuse. Ensuite c’est une voix de contralto, un brin rauque, un regard charmant et une irrévérence presque cordiale. Depuis qu’une certaine ignorance l’a tristement propulsée au-devant de la scène, elle refuse de se justifier encore moins de se plaindre. Elle estime plutôt qu’elle est incomprise : « Tout ce qui me fait mal, c’est qu’on me juge sans me connaitre. Je suis traitée de ce que je ne suis pas », précise-t-elle à son interlocuteur de cet après-midi.
Par Modeste TOFFOHOSSOU
Décriée par ses détracteurs comme une garce, cette belle jeune fille est néanmoins une sacrée emmerdeuse. Et au premier abord, c’est bien ce qui surprend. A la sollicitation d’épeler l’écriture de ses noms à l’état civil, elle indique le chemin de son sac à main dans lequel se trouve sa carte d’identité. En tout cas, celle qui fait rougeoyer les braises de la grossièreté, de la banalité et de la vulgarité sur les réseaux sociaux se présente comme une fille sympathique et amusante. Et pourtant à travers les posts publiés ou les vidéos diffusées à longueur de journée sur les réseaux sociaux, on retient l’image d’une gamine insouciante, d’un personnage critiqué et disputé. En somme, un cas un peu particulier, inquiétant et qui révèle les mutations d’une société. « Je ne suis pas fière de tout ce qui se dit sur moi. Mais je ne regrette nullement l’image que je donne sur les réseaux sociaux. Cela m’amuse mais il faut m’écouter pour comprendre », explique celle qui se fait appeler pompeusement Clara.
Déscolarisée et déflorée très tôt.
En réalité, elle a pour nom Clarita Carmagnolle. Elle est née le 25 juillet 1998 à Porto-Novo et c’est la benjamine d’une fratrie de quatre enfants. De son enfance, Clarita n’a pas gardé grand-chose à part peut-être une mère chaleureuse et protectrice. Son père est de nationalité belge et de lui, elle ne garde que le souvenir d’un homme très peu soucieux de ses responsabilités et donc de l’éducation de ses enfants. Ecolière modeste, elle rêvait d’être une commerçante. Cette ambition professionnelle, elle le tenait de sa mère. Mais, elle ne restera qu’un vœu pieu et une sorte de gageure. Parce que très tôt ses parents divorcent. A l’époque, elle n’avait que neuf ans. Et elle doit choisir l’un des deux avec qui vivre. Elle préfère sa mère. Son père refuse. Du coup sa vie bascule dans l’incertitude du lendemain et la peur de l’échec. S’ensuit une adolescence difficile. « Je me rappelle que seule maman prenait soin de nous. Tous les quatre et très difficilement. Je voyais toute la peine qu’elle se donnait. Surtout qu’à cette époque sa boutique située en plein cœur du marché Ouando avait été cambriolée. J’ai alors décidé de ne plus prendre l’argent de mon petit déjeuner », se souvient Clarita. Elle se livre à la débrouille à sa manière. En comptant parfois sur l’aide de quelques copines ou de générosités intéressées. A dix sept ans, elle eut ses premiers rapports sexuels. Pas forcément par consentement. Puis une déscolarisation précoce après l’échec au BEPC et un Certificat d’Aptitude Professionnelle, option G3. Pour elle, ce n’était plus utile parce « Je ne me voyais pas trop dans les études. Et les moyens n’existaient pas non plus même si je voulais. Je voulais vendre ». Pour Clarita Carmagnolle, tout semble désormais permis même si tout ne lui sera pas utile. Du moins à partir du moment où elle ne se réfère à aucune autorité parentale censée l’aider pour définir un cap. Elle est livrée à elle-même et découvre les réseaux sociaux avec l’inconscience qui l’a précipitée dans l’engrenage qui la fera connaitre.
Désormais, une vie libertine et remplie de frasques.
En parcourant ce 27 janvier 2018, les statuts de ses amis sur l’application Snapchat, elle découvre une vidéo qui l’amuse et l’impressionne par la grossièreté des propos. Elle décide de la reproduire. D’imiter mot pour mot. Ce qu’elle fit sans hésiter et mit à son tour sur son propre statut. « C’était l’erreur à ne pas commettre. Je ne savais pas qu’à l’époque déjà, on pouvait copier les photos ou les vidéos partagées sur Snapchat. J’étais prise au piège ». En un temps record, de partout, des appels jaillissent. Des appels et des messages fustigeant sa publication et surtout l’impact négatif que cela laissait sur une jeune fille de son âge. C’est ainsi que dans la même journée, une jeune fille lui emboite le pas, publiant une vidéo dans le même registre pour dénoncer son comportement. « C’est Yannelle et je ne la connais même pas. Elle m’a insulté et je ne pouvais laisser cela passer. Je suis née et j’ai grandi à Porto-Novo », explique-t-elle avant d’ajouter qu’elle a aussitôt répliqué. Dans la foulée et plus précisément le 04 février 2018, elle raconte être appelée par l’un de ses oncles. Sur place, elle sera interpellée sur le sens de cette vidéo. Des paires de gifles pleuvent. Décoiffée, ligotée et enfermée dans une pièce, Clarita raconte que toute la scène fut filmée par les personnes présentes et partagées le lendemain sur les réseaux sociaux. Sa mère s’y est opposée sans succès. « Ce n’était pas la meilleure manière de me corriger. Me laisser frapper par des personnes qui ne savaient rien de comment je m’en sortais en ce moment. Surtout qu’après cela mon portable a été saisi et derrière on n’écrivait à mes contacts pour demander de l’argent en se faisant passer pour moi », raconte-t-elle. Face aux moqueries sur les plateformes digitales et les stigmatisations en ville, « je me suis enfermée des jours durant. Je me suis sentie blessée, humiliée. J’avais peur de sortir. Et toutes les fois que j’essayais de le faire, j’étais pointée du doigt. On se moquait de moi ». C’est ainsi que naît chez cette jeune fille l’envie de guérir son humiliation par des frasques plus bouillantes et des vulgarités plus insolentes. C’est un choix librement fait et assumé.
Elle regrette mais assume ses bêtises.
Et depuis, plus de jours ou de semaines ne passent sans que la toile n’enregistre une de ces excentricités. Des photos en permanence partagées. Des vidéos abondamment postées. Et dans chacune d’elles, on retrouve cette catholique communiée et confirmée, soit en train de débiter des paroles salaces dans des postures exhibitionnistes. Soit dans des tenues affriolantes. Sur son épaule droite on voit un tatouage en chinois. On en dénombre une dizaine sur son corps. En somme, l’image d’une fille volage ou une rebelle des mœurs sociales. Un personnage sans portée et donc sans importance. Et les critiques des plus virulentes sont sans cesse portées à son encontre. Elle est même traitée de prostituée. Ce dont elle se défend : « On peut me dire que je ne suis pas normale. Mais je ne suis pas une prostituée. Aucun d’eux ne peut dire avoir couché avec moi. J’ai choisi librement d’utiliser autrement les réseaux sociaux sur lesquels on m’avait traité de tous les noms ». Désormais elle ne craint pas les feux de la rampe, ne s’inquiète guère que son image subisse un brouillage dont les tenants et les aboutissants sont même insaisissables. L’essentiel, pourvu qu’on parle d’elle. Elle en bouillonne d’envie. Et cela lui permet de faire des rencontres. Des plus modestes aux plus prestigieuses. Ses prétendants affluent. Au bouillonnement nocturne, elle joint les envolées éthyliques. Toujours prête à aller à l’extrême. Peu importe le coût et les implications. Peu importe de faire la fête toute la nuit. Peu importe de se laisser demander en mariage dans un club par un homme connu juste dix jours plutôt. Peu importe qu’elle ait passé huit jours de garde à vue pour avoir violenté une de ses amies qu’elle soupçonne de relations sexuelles avec son copain. A l’époque, elle aurait même été vue enceinte. « Faux ! Je ne suis jamais tombée enceinte. J’aime faire parler de moi et je vois que les béninois s’y plaisent », rétorque celle qui totalise 14. 000 followers sur Facebook et 17.000 sur Snapchat. Une popularité digitale sur laquelle repose son activité de vente en ligne de vêtements de femmes. Ce qui lui rapporte assez de ressources pour payer ses factures mais lui permet également de nouer de précieux contacts pour des aventures plus valorisantes. Entre autres, le tournage début février d’une téléréalité et des publicités pour une salle de sports et une enseigne de vente de mèches. Au-delà, Clarita Carmagnolle alimente les fantasmes et sédimente la courtisanerie des hommes. « Je suis devenue la fille avec laquelle tout le monde veut être. Et pourtant, je suis chaque fois insultée et traitée de tous les noms. Cela m’amuse. Ce sont les mêmes qui m’insultent qui me contactent et me proposent de l’argent, des rendez-vous. C’est de l’hypocrisie ». Et ses prétendants vont des personnalités politiques aux opérateurs économiques. Elle dit s’amuser. Et c’est sa meilleure façon de répondre à cette période d’humiliation vécue. Elle compte arrêter. Pas tout de suite. Même si on ne saura rien de ses histoires de cœur, de son premier grand amour. Tout juste apprendra-t-on que la jeune fille aspire, comme tout à chacun à « faire des choses qui me plaisent, travailler, être mariée, avec des enfants ». En attendant, focus sur les prochaines frasques.