Donc, nous voici propriétaires à nouveau d’un patrimoine que, par le fait de l’Histoire, on nous avait arraché. L’Élysée a accepté de nous concéder vingt-six de ces pièces que le Bénin, depuis l’avènement de Talon, n’a eu de cesse de réclamer. Désormais, le musée de Quai Branly à Paris sera amputé d’une de ses plus belles collections, laquelle, dans quelques semaines, atterrira sur les terres qui ont nourri et inspiré ses créations. Les Béninois, dans la tradition de leur kwabo légendaire, attendent d’accueillir ces pièces, pour leur rendre hommage, mais aussi pour leur imprimer la vocation qui correspond à leurs statuts. J’imagine le scénario que le Ministère des Affaires Étrangères et le Ministère de la Culture pourraient mettre en exécution. Il s’agira, non seulement, de justifier l’importance de la réclamation, mais aussi de montrer au plus haut point l’usage qui sera fait de ces biens.
D’abord, la cérémonie d’accueil : comme on l’avait fait pour les restes du prince Ouanilo, ces pièces bénéficieront d’une réception grandiose sur le tarmac de l’aéroport international de Cotonou. Une haie d’honneur formée d’un côté, des agodjiés et de l’autre, des guerriers, entourera ces pièces qui seront convoyées vers les autorités béninoise présentes sur les lieux. Panégyriques, chansons laudatives, clochettes, tam-tams et battements de poitrine vont animer cet accueil. Bien sûr, les discours de l’ambassadrice de la France au Bénin et des deux ministres béninois rendront ces moments solennels.
Le deuxième chapitre de l’accueil concerne leur entreposage : les oeuvres doivent bénéficier de soins et de sécurité spécieux. A la Marina, palais de la présidence de la République, elles peuvent y être parquées avec les conditionnements que requiert leur fragilité.
Troisième étape : en attendant que les biens atterrissent dans les musées en instance d’être créés, il est nécessaire de les présenter au public. C’est une opération politique d’envergure. Cela permet de donner un signal fort au partenaire français, mais également de montrer au public la moisson à mi-chemin (on espère) de la procédure de restitution. Vingt-six pièces parmi les plus représentatives de l’histoire d’Abomey dont les fameux symboles de Roi Requin et le trône de Guézo feront l’objet d’une exposition-événement. Là-dessus, Cotonou et deux villes de l’interieur seront choisies pour l’accueillir: Bohicon, Parakou.
À Cotonou, la Fondation Claudine Talon ou la Médiathèque des Diasporas – qui mériterait d’être un peu aidée – seraient les hôtes de cette exposition. On peut aussi viser le Centre International de Conférence naguère lieu d’expositions de sculpture et de tableaux lors des festivals Gospel et Racines. Quant aux villes de Parakou et de Bohicon, elles disposent chacune, au sein de leurs hôtels de ville, des espaces aménageables pour l’événement. Chaque expo durera trois mois.
Après cette étape, les pièces pourraient être récupérées pour leur deuxième entreposage. Cette fois ci, elles dormiront à la présidence autant de temps qu’il faudra en attendant que les autres biens les y rejoignent pour la création du futur musée. N’oublions pas une chose : on nous guette jour et nuit pour voir ce qu’il adviendra de ces pièces. Notre réaction déterminera la suite à donner à la restitution des autres œuvres.
Florent Coua-Zotti