L’opposition désormais unifiée dénonce l’adoption d’une « batterie de dispositions scélérates, crisogènes et anti-démocratiques’
Elle appelle la Cour Constitutionnelle à jouer la carte de la sagesse pour préserver la paix et la vie des béninois
L’opposition politique au Bénin s’est désormais unifiée contre le régime Talon. L’adoption en perspective des élections générales de 2026 par l’Assemblée Nationale dans la nuit du 5 au 6 mars dernier du nouveau code électoral jugé exclusif et crisogène, reste une énième dérive démocratique qu’elle ne compte pas laisser passer. Limitée au départ aux partis Les Démocrates (LD), la principale force politique l’opposition, La Nouvelle Force Nationale (NFN), la Grande Solidarité Républicaine (GSR) et le Mouvement Populaire de Libération (MPL), cette coalition des forces politiques de l’opposition renforcée désormais par la Force Cauris pour un Bénin Émergent (FCBE), a dans une déclaration commune livrée ce Mercredi 13 Mars à Cotonou, date de la célébration des 25 ans de décès de Monseigneur Isidore De Souza (acteur clé de la tenue de conférence nationale), porté un regard très critique sur le nouveau code électoral adopté par le Parlement Béninois.
Les partis LD, FCBE, NFN, GSR et MPL soulignent en effet que ce nouveau code électoral adopté par la majorité parlementaire, est jonché d’une » batterie de dispositions scélérates, crisogènes et anti-démocratiques ». Pour l’opposition unifiée, c’est « coup d’Etat institutionnel en préparation au Bénin dans le cadre des élections générales de 2026 » et elle invite expressément membres de la cour constitutionnelle au « respect de leur serment et à faire preuve de sagesse comme leurs confrères du Sénégal », ceci pour préserver la paix et la vie des béninois.
Brieux NOURENI
Déclaration commune des forces politiques de l’opposition à propos du nouveau Code Électoral
Mesdames et Messieurs,
Depuis l’avènement du régime dit de la rupture, nous avons rompu avec la pratique des messes électorales festives, joyeuses mais surtout ouvertes et compétitives, et relativement transparentes quoique perfectibles.
2016 et ses nouveaux maîtres nous ont basculés dans une ère d’instabilité chronique ponctuée de mutations législatives régressives où plus aucun rendez-vous électoral, quelle qu’en soit sa nature, ne s’est déroulé dans un climat de paix et de cohésion sociale, mettant ainsi à mal l’unité nationale, nécessaire à la construction d’un tissu social fort.
L’administration Talon n’a fait que multiplier consciemment les actes attentatoires à la stabilité politique du pays par la mise en place d’un écosystème juridique et institutionnel, favorisant l’exclusion et réduisant le champ d’expression politique à une seule minorité partisane proche d’elle. Cet état de choses constitue, à tout point de vue, le germe des récurrentes crises électorales aux conséquences incalculables et désastreuses et cela pourrait durer et perdurer dans le temps si aucune mesure n’est prise pour arrêter les effets pervers de cette logique atypique qui a cours dans notre pays depuis 2016.
C’est dans ce même dessein que tout récemment, par un vote à soixante-dix-neuf (79) voix pour, vingt-huit (28) contre et une (01) abstention, l’Assemblée Nationale a adopté la proposition de loi du parti UP le renouveau portant modification du code électoral. Cette modification fait suite à l’échec de la proposition de loi du président du Groupe Parlementaire Bloc Républicain, Assan SEIBOU, portant révision de la constitution qui avait pour but d’inverser les dates des élections générales, de raccourcir le mandat du Président de la République et de rallonger le mandat en cours des députés.
Qu’il vous souvienne que le vendredi 1er mars 2024, les 28 députés du Groupe Parlementaire LES DEMOCRATES et 09 autres députés ont mis en déroute la révision opportuniste de la constitution. Cet échec perçu comme un crime de lèse-majesté, a provoqué la colère des deux partis politiques soutenant l’action du gouvernement qui ont engagé une vengeance attentatoire à la paix sociale, aux acquis démocratiques, en violation flagrante de multiples dispositions de la constitution.
Aussitôt après le rejet de la proposition de loi portant révision de la constitution, des voix pas des moindres au parlement, se sont élevées pour promettre l’enfer à l’opposition à travers des représailles et persécutions qui devraient se traduire dans le projet à venir notamment celui de la loi électorale.
Comme on devrait s’y attendre, les fruits ont tenu la promesse des fleurs. La proposition de loi portant modification du code électoral et les amendements qui s’en sont suivis tous quasiment portés par les députés de la majorité parlementaire, ont accouché d’un code insipide, pernicieux, toxique, truffé d’incohérences et de clauses léonines qui traduit l’esprit de revanche annoncé.
Rappelons que le processus de modification du code électoral a été déclenché par la décision du juge constitutionnel de mettre en conformité l’article 146 du code électoral avec la constitution, et d’inciter l’Assemblée Nationale à rétablir d’égalité entre les maires issus de l’élection communale et municipale de 2020 et ceux des élections couplées de 2026.
La majorité mécanique dans son élan vindicatif et fidèle à ses promesses de représailles, ne s’est pas seulement contentée d’accéder aux prescriptions de la cour constitutionnelle. Elle a décidé de corser à l’excès les conditions de candidature et d’éligibilité déjà difficiles pour les partis politiques. La preuve, les dispositions en vigueur n’ont laissé filtrer que trois partis politiques à l’Assemblée Nationale sur la quinzaine légalement constituée. Que recherche-t-on alors sinon que d’honorer une récente promesse faite au sein même de l‘hémicycle de disposer de la totalité d’élus par une seule et même obédience politique ? Eh oui ! Ils l’ont dit, ils l’ont promis et ils tentent de le faire : « je chasserai du parlement les députés LD et BR ». Et pour ne pas nous offrir un spectacle fratricide, ils ont finalement trouvé la parade pour repêcher l’autre frère à travers ce qu’ils appellent pompeusement accord de coalition parlementaire qui s’assimile à tous points de vue à une alliance politique pourtant prohibée par leur propre loi.
Cet accord de gouvernance est une fraude institutionalisée en ce qu’il pourrait exclure à l’attribution des sièges un parti qui arrive en première position au plan national.
Tout ceci confirme qu’après l’impérialisme électoral des années 1960, nous assistons depuis 2016 à un système électoral privatisé. Les élections sont remportées avant même le vote. Il ne s’agit plus d’une compétition entre candidats. Non plus entre partis porteurs d’offres politiques différentes, mais plutôt d’un rituel de légitimation du parti unique au pouvoir. Nous ne sommes contre personne. Nous sommes pour la démocratie et contre l’exclusion et la tricherie électorale.
En fait, depuis 2016, pour parvenir à leur dessein malsain ils ont décidé sans scrupule aucun de toujours violer tous les principes constitutionnels majeurs en matière électorale. Ce sont des violeurs nés. Ils nous ont toujours bluffés. Ils ne sont en rien des compétiteurs nés. Ils sont des menteurs nés, des manipulateurs nés, des tricheurs nés, des voleurs nés.
Conscients du crime législatif qu’ils sont en train de commettre, ils ont décidé d’arpenter monts et vallées pour essayer de faire gober à l’opinion la batterie de dispositions scélérates, crisogènes et anti-démocratiques à travers une propagande médiatique onéreuse aux frais du contribuable, malgré la situation économique morose et austère.
A titre d’exemple, en disposant qu’un député ne peut parrainer que le candidat de son parti ou désigné par son parti, ils décident délibérément de porter atteinte à la liberté du député consacrée par la constitution et les jurisprudences successives de la cour constitutionnelle, ainsi qu’au statut du député, qui est un élu de la Nation et non de son parti d’appartenance. Par ces actes, les députés de la mouvance violent la constitution.
Nous prenons à témoin l’opinion nationale et internationale de cette énième forfaiture.
Nous invitons les pays amis partenaires au développement du Bénin, la CEDEAO, l’Union Africaine et les Nations Unies à se préoccuper du coup d’Etat institutionnel en préparation au Bénin dans le cadre des élections générales de 2026.
Nous félicitons certains acteurs de la société civile, le clergé, l’union islamique pour leur engagement citoyen visant la préservation de la paix. Nous invitons le peuple béninois à se mobiliser et se tenir prêt pour défendre sa démocratie des mains des prédateurs.
Nous invitons les membres de la cour constitutionnelle au respect de leur serment et à faire preuve de sagesse comme leurs confrères du Sénégal. A cet effet, nous demandons à la cour d’éviter d’assouvir l’orgueil d’un individu et de préserver la vie des Béninois. Car c’est dans les mêmes conditions qu’en 2019, un certificat de conformité anticonstitutionnel a provoqué une déchirure du tissu social dans nombre de contrées. En ce jour de la célébration des 25 ans du décès de Monseigneur Isidore de SOUZA, président du présidium de la Conférence des Forces Vives de la Nation de février 1990, nous prions qu’il plaise le Ciel, que plus aucun bain de sang ne nous éclabousse et ne nous emporte dans ses flots.
Fait à Cotonou, le 13 mars 2024
Ont signé :
Le parti LES DEMOCRATES
Le parti NFN
Le parti GSR
Le parti MPL
Le parti FCBE